Le CDI
On me dit souvent que j’en fais trop, je ne suis pas d’accord. J’ai pas envie de perdre ma place, me retrouver au chômage, inutile et vaine, sans but. Je me bats, jusqu’au bout. Le CDI c’est du flan, du blabla pour endormir les ballots ! On peut toujours trouver un moyen pour se débarrasser de quelqu’un. Alors moi, j’éradique la concurrence. Avec mes petits moyens, un stylo, une feuille : hop, une lettre anonyme ! Je prends des cours d’informatique pour effacer les dossiers de mes collègues, l’air de rien. C’est ça mon arme secrète, j’ai l’air de rien, personne me remarque, mais moi,je note tout. Personne se méfie, je fais toujours ce qu’on me demande, avec un petit plus … Je fais moi-même le ménage dans mon bureau, une fois j’ai réparé l’ascenseur. Je dis toujours que ce n’est rien, que j’aime me rendre utile, mais je me rends indispensable. Je contrôle tout. Le moment venu je serai capable de faire virer n’importe qui pour garder ma place. Parce que dehors c’est la jungle, une fois qu’on sort du Monde du Travail, c’est la descente aux enfers, inéluctable, on perd ses dents, on perd ses cheveux, on perd son logement, on vous prend votre chien.Petit à petit votre visage s’efface et vous finissez par ressembler à un œuf.N’importe qui peut venir vous casser pour faire une omelette! Alors très franchement, je préfère que ça arrive à quelqu’un d’autre.
Monologue performé avec le Groupe Performatif Famapoil pour Van Life devant une agence Pôle Emploi à Cognac et repris dans (C)rêve !
Je refuse
Avant je comptais sur l’Amour pour me sauver du troupeau.
En tant que personne exceptionnelle, je devais trouver un Amour exceptionnel. J’attendais celui ou celle qui saurait me reconnaître dans la foule, qui verrait mon aura et la couleur particulière de mes yeux je rêvais pendant des heures en traînassant dans les galeries marchandes. Je me cachais dans les rayons, caressant du bout des doigts des paquets de céréales, des calendriers ou des couvre-lits, en pensant à toi.
J’ai attendu, attendu, changé de rayon, cherché dans les parkings…Personne n’est venu. J’ai fini par croire cette rumeur d’Orléans, assourdissante dans la cour de récréation : le Père Noël n’existe pas, c’est tes parents qui achètent les cadeaux, l’Amour Ultime est un mensonge, tu n’es l’Élue de personne, c’est la télévision qui vend des histoires pour te faire acheter un plus grand canapé et des plats préparés, pauvre crétine ! J’ai couru, en criant qu’on m’avait menti, j’ai frappé des gens qui riaient, spécialement les femmes qui se croyaient plus malines, et des enfants avec des têtes de fouines, j’ai poussé des garçons de café, craché sur leurs gueules de flics, pendant ma pause déjeuner.
Après je ne sais plus, j’ai grandi, je suppose. Je suis peu à peu devenue une personne ordinaire, avec des attentes raisonnables.
Je me sens apaisée. Je refuse d’être une loque. Fini de chercher mon reflet dans les yeux d’inconnus, pour me prouver que j’existe, attendre l’amour sur un air de chaises musicales… De jouer la comédie de la servilité, est-ce que j’ai été assez sympa, est-ce que j’ai assez souri ? Je n’ai peut-être pas ri assez fort ? J’étais d’accord sur tout, mais pas tout le temps, pour faire croire que j’ai une opinion…Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre ? De tes malheurs, de tes envies, de tes amis et de ta mère ? Ton plat préféré, ton animal fétiche, ton livre de chevet, ton meilleur souvenir et ta comptabilité, je leur pisse à la raie.
Je refuse de chercher mon reflet dans les yeux d’inconnus, pour me prouver que j’existe,
De taper du pied sur un air de chaises musicales,
De faire la queue en attendant l’amour
De me répandre dans un corps étranger, qui me notera et me demandera des comptes
De miser sur la servilité, est-ce que j’ai été assez sympa, est-ce que j’ai assez souri ?
Je n’ai peut-être pas ri assez fort ?
J’étais d’accord sur tout, mais pas tout le temps, pour faire croire que j’ai une opinion…
Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre ?
Ma couleur préférée, mon plat favori, mon animal de compagnie, mon voyage le plus réussi, le hobby qui me définit, mon film fétiche et mes souvenirs d’enfance, je leur pisse à la raie.
Je refuse d’être une loque, je voudrais vivre ma vie.
Tes malheurs, tes envies, tes amis et ta mère, ton plat préféré, ton animal fétiche, ton livre de chevet, ton meilleur souvenir et ta comptabilité, tu peux te les garder. Je n’ai pas besoin de tout ce fatras, je veux simplement me réaliser, accomplir quelque chose. Je n’ai même pas vraiment besoin du couple. Ce qu’il me faudrait avant tout, c’est un enfant.
Performance « La vie d’une femme » soirée Doc(k)pit#3
Je vous apporte des nouvelles du cosmos
#1
Je ne sais plus où c’était. Elle dit que ça n’a pas d’importance mais ça n’est pas exact. Dans la forêt de qui ? Les yeux de Mary ou ceux de l’écureuil ? (Bien qu’on ne l’ait pas trop vu ces derniers temps). Je me souviens Barbe voulait que Mike la regarde vraiment, jusqu’à trembler, mais Purple tenait d’abord tout le monde en laisse, surtout les animaux, que ça faisait marrer, ils rigolaient : « est-ce ta fiction ou ma réalité qui convoque ce réel ? Est-ce mon doigt, qui s’attarde sur tes fesses, ou ton pouls, qui bat dans mon sexe » ? On rigolait bien.
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#2
Nous on entendait leurs voix, en son et dans leurs têtes, ou à travers leurs corps, qui filtraient par leurs pores. On entendait plus qu’eux-mêmes parfois je parie. Mais eux, ne voyaient jamais nos manèges, nos approches, nos combinaisons de rêves sexuels, notre drôlerie et notre douceur. Ils intimaient même à leurs corps la consigne : ne pas nous percevoir, ne pas croiser nos regards, ne pas voir nos membres se dresser, nos langues se hérisser, nos poils nos ventres nos sexes imaginaires se frotter jusqu’à l’embrasement. Lent et définitif. Pourquoi ?
#3
On inventait des cérémonies. Une étincelle, quelqu’un s’embrasait pour de vrai pour de faux, sans mot sans bruit un frôlement collectif organisait l’espace. On célébrait la vulve de Purple, la lumière, le démembrement. Quelques-unes et d’autres offraient leurs membres éparpillés au Cosmos, nous, l’écureuil, Mary et moi on fredonnait des invocations, des appels au coït, figures inspirantes combinaisons de pénétration les yeux fermés. Des cérémonies faites de mouille de larmes de poil de cils et de foutre rêvé c’est ça qu’on fabriquait ensemble dans l’après-midi. On abjurait la mort et un certain renoncement, qu’on devait reculer toujours, au risque de nous faire ensevelir, peut-être.
#4
Un jour on ne l’a plus trouvée, son absence laissait comme un creux dans chacune de nos pensées, un vide à combler. Petit à petit elle est devenue notre obsession, nous la convoquions sans arrêt. Sa disparition nous délitait nous faisait douter de notre propre présence et de notre force commune, qu’étions-nous individuellement sinon des désirs inarticulés ? Ni des êtres ni des corps pensants représentés par aucun syndicat presque des fantômes. Est-ce qu’on nous l’avait prise ? Pour nous nuire ? Pour nous détruire, une par une, deux par deux, par un par une deux trois ou plus, était-ce la preuve que nos cérémonies faisaient reculer la peine ? Étions-nous d’utilité publique ? Pour le savoir, on s’appliquait, on s’enfilait à l’infini pour rester soudés, sans le savoir on avait peur. Avec ou sans attouchements, on se glissait dans ce regard géant qui nous étourdissait à l’aune de sa concupiscence.
# 5
Le temps filait, poisseux. On avait pris l’habitude de faire des phrases, pour rien. Pour s’amorcer, sans doute. Des mots lancés à la volée en direction de l’une ou l’autre, d’un groupe, attiré par les sonorités. Presque un brame. Une soupe suave et déconfite de bites nacrées. Où va l’élan ? Dans le jardin, se faire prendre par devant. Où sont ses dents ? Dans sa poche élastique et moite, viens les chercher. On se perdait en mêlée synesthésiques, des frottements frôlements bras pliés cercles à franchir, des creux où s’enrouler, des corps où glisser sur les surfaces inondées de sueur et de sucs, paradigmes intimes.
Trou trou trouvé ! Tou tou touché !
Des lèvres arides enfournaient mon visage. J’avais disparu, totalement, dans un enfouissement de soupirs. Là dessous il faisait sombre, comme ta peau marbrée, ta chevelure gaufrée, tes ongles taillés en petites lames. Cette fois à laquelle je pense, la mêlée était aveugle, refusant les plaisirs répétitifs de la lumière, elle ventousait à tour de langues, de lèvres, de carrés de peau moite, mon sexe démultiplié.
Pistil, poutre, enfourné, joie buccale, frisson anal, remontée le long de hanches étroites, regard brûlant jeté sur mon sexe, je l’ingère, le digère et le colle derrière ma dent.
Soudain m’arrive la rumeur, je ne serais qu’un objet, un jouet, presque fictif, quelle blague ! Mes cellules secrètes et indélébiles me protègent, je vous enfermerai tous et toutes, un de ces quatre au royaume de l’oubli pour des siècles et des siècles.
#6
Quand elle est revenue on l’avait presque oubliée. Elle nous obsédait à tel point qu’on l’avait digérée, on avait effacé son nom, sa fréquence, elle s’était fondue dans les cheveux de Barbe qui fouettait les airs et les paupières, les membres éparpillés de Purple et sa bande, les couinements ultrasoniques de l’écureuil et dans tous les mots chuchotés, échangés d’une bouche à une autre, d’un abîme à un précipice-moi tout ça qui couraient autours de nous.
Je suis là, elle a dit, elle se prenait pour le messie ma parole.Son regard était étrange. On l’aurait cru habité de mille vies microscopiques qui pétillaient sans attache dans le champ de ses pupilles. Elle faisait presque peur, on aurait dit qu’elle avait grandi, son ombre s’était considérablement allongée, sa voix intérieure résonnait immédiatement dans nos pauvres enveloppes. Nous étions sa caisse de résonance, elle nous englobait sans rien faire de très palpable, de très visible, de très sensible, on n’en était plus là, depuis un moment déjà.
#7
Ensuite elle a soupiré, si fort, sans rien bouger, on a tous, toutes été traversé.e.s. Elle nous traversait, voilà, nous vidait nous remplissait, nous étions pulsation. Nous étions chair, nous étions liquide, soupir étreinte vase clos et univers fluidifiés rassasiées repus d’une substance complexe tendrement orgasmique. Elle s’est assise, a ouvert ses jambes, le champ magnétique a opéré, elle a dit sans parler, je vous apporte des nouvelles du cosmos. C’était dingo, fou, inespéré.
I’m bringing you news from Cosmos / Performance art, visual art
#1
I can’t remember where it was. It doesn’t matter, she says, but it’s not true. In whose forest ? Mary’s eyes or the squirrel’s ? (Even if we’ve hardly seen him those days)…
La Juste Violence
Je ne supporte ni la violence ni l’injustice. Quoi de plus révoltant, immonde, dégoûtant, que de s’en prendre à un plus faible ? À une femme par exemple.
Ça me rend malade. Quand j’y pense, je trouve ça insupportable. Il faudrait faire quelque chose. D’utile, de fort, de clair. Droit au but.On pourrait arracher des couilles à mains nues, ou les trancher avec une fourchette rouillée (leur propriétaire serait alors dans un premier temps immobilisé) ou crever des yeux, trancher des mains, qu’il n’y ait pas à tortiller. IL FAUT QUE LE MESSAGE SOIT CLAIR.
Libérons la Parole ! Pour qu’une fois pour toute, cesse la barbarie. Quand on est un être sensible, comme moi, on ne peut pas rester les bras croisés. L’intelligence du cœur commande à celle de la main (fait le geste de poignarder quelqu’un), c’est la marche naturelle des choses ! Que ceux qui ont encore une conscience dans ce pays, me rejoignent. Ensemble, nous quadrillerons la cité, de jour comme de nuit, armés de Justice et de bâtons cloutés. Pour détruire la violence, par la violence. La violence, oui, mais la Juste Violence.
Monologue performé devant la gendarmerie de Cognac pour Van Life puis devant le Générateur en 2021.
Manifeste poétique d’adieu au boomer
Vous nous avez tant aimées ou détestées ou méprisées ou désirées, en secret peut-être vous êtes vous masturbé.e.s en pensant à nous, à ce qu’il pouvait bien y avoir en dessous, de nos costumes, sous ma bite, derrière tes seins, entre tes mains, entre ta femme, habillée, alors tu dis par précaution ça me gratte vachement tu veux bien regarder c’est peut-être une infection…
Ça tombe bien ta femme est pharmacienne, elle ne voit rien, peut-être le stress, un peu d’eczéma, c’est vilain mais pas méchant, ta bite à la main ça la fait rire, toi tu repenses à nous et tu bandes un peu, ça lui fait plaisir, vous retrouvez votre intimité, presque enterrée grâce à nous malgré tout.
Pourtant rien, pas un like pas un partage, même avec ton compte sous-marin, celui avec lequel tu t’abonnes et te désabonnes compulsivement, c’est un amour honteux que tu nous voues, depuis des années maintenant.
Mais ne t’inquiète pas, pauvre boomer, c’est bien normal, une femme à poil, c’est fait pour ça, c’est un objet, elle a beau dire le contraire sur tous les tons de toutes les manières, tatata quand on s’appelle comme ça c’est qu’on aime ça la bite à papa pas la peine de vous faire un dessin je dis ça je dis rien. Je ne commente pas j’ai peur de passer pour un con, on dirait des femelles intellectuelles qui n’en n’ont rien à branler de se faire sauter, par moi en tout cas et j’ai demandé mon pote aussi s’est fait recaler. On comprend rien. Quand on écrit de la poésie on s’appelle Transhumance, quand on fait de la performance on s’appelle Le point le V, tout le monde sait ça, si c’était vraiment sérieux, non mais si c’est vraiment sérieux, c’est quand même grave parce que la femme à poil on n’y touche pas, elle est à nous et elle parle pas. À la rigueur elle sourit dans le clair-obscur, elle se fait enlever par ci par là dans plein de tableaux ou elle dort, ou elle prie, la bouche ouverte ou elle porte un enfant dans ses bras, parfois elle caresse un chat, mais là ça veut dire quoi ?
Des femmes habillées en femmes à poil, puis des hommes aussi habillés en femme à poil et puis des femmes habillées en femme à poil mais avec une bite et des hommes habillés en femme à poil mais avec une bite wow ! Ça va bien 5 minutes ! Et maintenant quoi ? Une bite sur l’épaule un sein sur la cuisse une vulve en part de pizza ça ne nous regarde pas ce qu’il se passe dans votre tête, laissez nos enfants tranquilles ! Rendez-nous Catherine Lara ! Qu’on en finisse, Nostalgie, viens nous chercher, emporte-nous au pays rêvé de la Playmate et de Mamie Nova, des nichons, de la mousse au chocolat et des bermudas, c’est ça qu’on veut !
Le reste, cette espèce de manège qui s’agite et qu’on appelle le monde, la marche des choses, l’évolution de la société, ça ne nous concerne pas. On n’a pas fait tout ça pour RIEN on n’a pas voté Bois Bandé toute notre vie pour des clous !
N’aie pas peur Boomer, le collectif Famapoil c’est bien fini, ne crains rien, le Groupe Performatif Famapoil s’arrête aussi. Tu peux dormir sur tes deux oreilles, Durcir_93, Lololilassmack, Transhumance#officiel et Lepointlev dépassent les deux mille abonnés, maximum respect.
Adieu Famapoil, Ta famille, tes amis, tes collègues, tous ceux qui t’ont connue et appréciée… Tout le monde est là. Nous sommes tous là pour te dire adieu et te rendre un dernier hommage. Nous allons tous nous rendre sur ton compte Instagram, ta page fb, et nous abonner. Nous allons tout liker en souvenir de toi et partager ces souvenirs. Si forts. Si beaux. Ensemble. À présent que tu es morte nous pouvons t’aimer tranquille, merci d’avoir fait cet effort. Il vous faudra certainement très longtemps avant de réaliser que nous sommes parties, que nous n’aurons plus nos discussions interminables, nos petites chamailleries, que nous n’irons plus ensemble faire du canoë. Il vous faudra certainement très longtemps… Toute la vie même. Nous ne vous oublierons jamais.
Texte performé avec le GPF lors de Doc(k)pit#2 en 2024.
La maternité
Oui, oh ! La maternité on en fait tout un fromage, pas de quoi fouetter un chat !
Donner la vie, donner la vie, donner, toujours donner, bonjour l’arnaque ! Soupir. Mon fils, par exemple, je ne le trouve pas très intéressant. Il a beau être mon fils, j’ai tout de même mon objectivité. Qu’est-ce qu’il a d’extraordinaire, à part mes yeux ? Rien, il est assez quelconque, ne serait-ce que dans son caractère, il est ponctuel, ordonné, poli, fiable…Sans surprise, quoi. Comme son père, finalement.Il est comme ça, c’est la vie, tout le monde ne peut pas être un aventurier… Mais bon sang, quel gâchis !J’en aurais fait des choses, moi, si j’avais eu un pénis ! J’aurais bourlingué avec le fric de ma mère, fait des hold-up, engrossé des indigènes un peu partout sur la planète… J’aurais arrosé le Monde de ma testostérone, soumettant les plus faibles, défiant les plus forts, puis j’aurais eu un dernier enfant, vers soixante ans, avec une jeunesse fortunée (l’ex-femme d’un de mes fils) ou bien, je serais mort en duel…Mon fils, il n’a pas l’esprit d’entreprise, je crois qu’il n’arrivera jamais à rien, il restera avocat toute sa vie. Moi, je voulais qu’il soit maçon, ou danseur étoile,à la limite cosmonaute, mais il ne m’écoute jamais. Il me prend pour une idiote. Rira bien qui rira le dernier, va ! De toute façon, je voulais une fille. Pour lui mettre des barrettes.
Monologue tiré de la performance (C)rêve !
More than nude
It’s beautiful a woman who cries
It’s beautiful an angry woman
It’s beautiful a woman who sleeps, abandoned, offered. Is it very, very, very beautiful a woman who cries with anger in her sleep? Yes.
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It’s ugly a woman who smokes It’s ugly a woman who swears It’s ugly a woman who drinks. Does a woman who smokes while crying get away with it ? Yes. But if she says “you rotten son of a shitbag, I’ll make you eat your coward’s teeth by your ass? While smoking a cigar? No, the cigar cancels everything, the beauty of feminine anger and the innocence of woman’s tears, the cigar is for bears. I want a perfect soul
I want a perfect body
It’s good. Perfection is necessary for women, while the rest of the world functions easily with charm. A naked woman is beautiful. Show yourself naked as soon as the weather permits, whenever you want to make a good impression and charm an audience. It’s beautiful a submissive woman. Not necessarily. But it’s more pleasant that’s for sure. A woman with a symmetrical face is beautiful because it is inhabited by the golden ratio and gold is expensive, therefore beautiful, everything that is beautiful is expensive, that’s how it is. A woman with asymmetrical face is beautiful and will tend to look like many other women with symmetrical faces. There are about 3 models of facial symmetry in the Caucasian sub-oceanic world, it’s not many but this approval of beauty allows us to standardize it and thus free up time spent on unnecessary procrastination. Is this woman beautiful ? Yes ? No ? We measure her face and she has the answer immediately, she can leave with her head held high, proud of her beauty, perhaps showing herself naked to be friendly and sympathetic in order to celebrate this good news. If she is not beautiful, she also knows it and has the possibility to adapt her behavior accordingly, standing back, tilting her head slightly as a sign of listening, of availability, eventually, showing herself naked as a demonstration of good will and smile as often as possible. It’s beautiful a woman who smiles, it shows that she is always in a good mood. In any circumstance. Be careful ! In the event of the death of a loved one or a hostage-taking, the smile must be internal and visible in the eyes or cheekbones, for example. She can show herself naked to nuance her inner smile while relaxing the atmosphere in order to facilitate the fluidity of social relationships. It’s ugly a woman who blocks a former friend on her phone or social networks, she lets herself be guided by resentment, grudge, fear… these are feelings that unbalance the symmetry of the face, not to mention that of the soul. It is beautiful, a filled with self-sacrifice woman, who forgives, whatever happens.
Not everyone has her wisdom or her greatness of soul, she understands this perfectly and does not make a cheese or jam about it, she forgives, smiles and moves on. It’s ugly a woman who abase herself by making derogatory or sarcastic comments with the aim of blaming, or worse, ridiculise, a former friend or partner, a colleague, a superior or a sworn agent. It is beautiful a woman who dances, lasciviously, because she communicates with superior beings. Thanks to the rotations of her uterus. If she’s naked, it’s even better, for all the reasons mentioned above. She can also smile, while closing her eyes, sleeping, offered, abandoned.
Careful not to hurt herself, many in line but few women elected for this exceptional aesthetic performance. A few extra tears will also be welcome, as well as a furtive clenching of the fists, as a sign of restrained anger.
C’est beau une femme qui pleure C’est beau une femme en colère C’est beau une femme qui dort, abandonnée, offerte. Est-ce que c’est très très très beau une femme qui pleure de colère dans son sommeil ? Oui. C’est laid une femme qui fume C’est laid une femme qui jure C’est laid une femme qui boit. Est-ce qu’une femme qui fume en pleurant, ça passe? Oui. Mais si elle dit en plus sale fils de sac à merde pourri je te ferai bouffer tes dents de lâche par le cul ? En fumant un cigare ?
Non, le cigare annule tout, la beauté de la colère féminine et l’innocence des pleurs de la femme, le cigare c’est pour les ours.
Je veux une âme parfaite. Je veux un corps parfait
C’est bien. La perfection est nécessaire aux femmes, tandis que le reste du monde fonctionne facilement avec du charme.
C’est beau une femme nue. Montrez-vous nue dès que la température le permet, chaque fois que vous souhaitez faire bonne impression et charmer une assemblée.
C’est beau une femme soumise. Pas forcément. Mais c’est plus agréable c’est certain.
C’est beau une femme au visage symétrique car il est habité par le nombre d’or et l’or est cher, donc beau, tout ce qui est beau est cher, c’est comme ça. Une femme au visage symétrique est belle et aura tendance à ressembler à beaucoup d’autres femmes aux visages symétriques, il existe environ 3 modèles de symétrie faciale dans le monde sub-océanique caucasien, c’est peu mais cette homologation de la beauté nous permet de l’uniformiser et ainsi de dégager du temps dépensé en tergiversations inutiles. Cette femme est-elle belle ? Oui ? Non ? On mesure son visage et elle a sa réponse immédiatement, elle peut repartir la tête haute, fière de sa beauté, peut-être se montrer nue pour être conviviale et sympathique afin de célébrer cette bonne nouvelle. Si elle n’est pas belle, elle le sait également et a la possibilité d’adapter son comportement en fonction, se mettre en retrait d’avantage, pencher légèrement la tête en signe d’écoute, de disponibilité, éventuellement se montrer nue comme manifestation de bonne volonté et sourire le plus souvent possible.
C’est beau une femme qui sourit, ça montre qu’elle est toujours de bonne humeur. En toute circonstance. Attention ! En cas de décès d’un proche ou de prise d’otage, le sourire devra être intérieur et se deviner dans les yeux ou les pommettes par exemple. Elle peut se montrer nue pour nuancer son sourire intérieur tout en détendant l’atmosphère de manière à faciliter la fluidité des rapports sociaux.
C’est laid une femme qui bloque un ancien ami sur sa messagerie ou les réseaux sociaux, elle se laisse guider par la rancune, la rancoeur, la peur, ce sont des sentiments qui déséquilibrent la symétrie du visage, sans parler de celle de l’âme.
C’est beau une femme remplie d’abnégation et qui pardonne en toute circonstance. Tout le monde n’a pas sa sagesse ni sa grandeur d’âme, elle l’a parfaitement compris et n’en fait pas un fromage ni des confitures, elle pardonne, sourit et passe à autre chose.
C’est laid une femme qui s’abaisse à faire des commentaires désobligeants ou sarcastiques dans le but de prendre en défaut, pire, de ridiculiser, un ancien ami ou partenaire, un collègue, un supérieur ou un agent assermenté.
C’est beau une femme qui danse, lascivement, car elle communie avec les êtres supérieurs, grâce aux rotations de son utérus. Si elle est nue, c’est encore mieux, pour toutes les raisons sus-citées. Elle peut sourire également, tout en fermant les yeux et en dormant, offerte, abandonnée, attention de ne pas se blesser, beaucoup d’appelées mais peu de femmes élues pour cette performance esthétique exceptionnelle. Quelques larmes, en sus, seront également les bienvenues, de même que de furtifs serrements de poings, en signe de colère contenue.
Texte tiré de la performance More than nude, jouée au Fringe festival chez C arts, en 2024.
Mourir aux sports d’hiver
Je suis une star internationale. Je suis une star… Internationale… Une star… Une star internationale… L’amour… Je l’ai connu tant de fois à l’écran. « Vous m’aimez, n’est-ce pas Jason ? C’est pour cela que vous partez à la guerre… Qui prendra soin du jardin à présent ?» An English garden,1953. J’étais Dorothy, la petite bonne passionnée atteinte du choléra. Puis je suis Fanny, dans Lèpre et cotillons, entraîneuse dans un bar durant l’inquisition. Bien que lépreuse, je me donne à fond à mon travail et j’épouse le gouverneur. J’étais émue en permanence, je le suis toujours d’ailleurs. Mais aujourd’hui… aujourd’hui je suis fatiguée… fatiguée…
Devenir une icône, devenir Ophélie dans Ophélie déménage, changer sans cesse de domicile, parcourir la France… Portant mes cartons, épluchant les annonces… montant les escaliers, sans cesse et sans repos… Tout cela m’a épuisée. Je pensais me reposer dans la peau de Babette, l’héroïne de Sombre fourrure, universitaire Suisse à la retraite je découvre que je ne suis pas frigide mais simplement zoophile… S’ensuit une quête existentielle doublée d’une passion charnelle avec un chat persan… C’était profond et intense…
Mais quelque chose s’est brisé, je n’y crois plus… Je sens qu’il ne me reste qu’un an…ou deux… à vivre… Peut-être trois… ou dix… peu importe.
J’ai toujours rêvé de mourir aux sports d’hiver… M’étendre dans la neige… Sur une piste… Les skieurs frôlant mon visage… À toute vitesse… Zip…Ziip… Zip… zip…zip…
J’attends ma Destinée, le dernier trou, la dernière prise, à Tignes ou à Courchevel, un châlet confortable, une raclette…peut-être… Pour mourir comme j’ai toujours vécu… en beauté.
Monologue tourné en vidéo pour Doc(k)s#2 série Non-lieu.
On est si beaux
On est si beaux
Tout est si bien
On se tient tous par la main
Pourtant
No touching
Éphémères mais tellement présents, on est là… Tout au bord de quelque chose de délicieux
On est si beaux
Tout va si bien
Est-ce une remise au Monde ?
Nous étions-nous perdus/retirés/confisqués ?
Bien loin de l’élastique du Destin et de sa ceinture de feu…
On est si beaux
Tout nous transperce
Avec volupté́ en avaler des kilomètres
Mais on reste immobiles l’estomac vide
Tout est si bien comme ça
On est si bons pour nous-mêmes
Si justes
Pétrifiés de bonheur
Tout est blanc, presque aveuglant
Est-ce la plage ?
Paradis slash Communautaire slash Ultime
Sommes-nous amants tantriques ? Fratrie périphérique ? Qui s’en soucie ? Personne.
Un même élan nous mélange
Nous sommes un peuple, une forme, inconnue et verticale.
Une alchimie étrange
Coule/monte/brûle
Débandade à l’horizon
Des globules, des vaisseaux … Des cellules ? Ça fout le camp.
Panique en suspens
On est une équipe, merde, même plus qu’une équipe, un tout
Résonne
Des collègues de bureau
Murmure
Des acolytes de passage
Des mains s’écartent
Des genoux filent
Des apnées se créent
Quelqu’un essaie de se laver les mains.
Est-ce qu’on va sauter ? Est-ce qu’on va y aller ? Le grand saut
Est-ce qu’on va se mouiller pour nos idées ? L’ouvrir bien grande et se mettre à voler? Est-ce qu’on va ? Le moral au bord des lèvres
Un cri mou
Je tombe.
Texte utilisé pour la performance (C)rêve ! et une installation de (C)rêve ! L'expo.
Parler d’Art
J’ai la chatte extrêmement douce aujourd’hui… Dommage que personne n’en profite. Mais ça n’a aucune importance car j’adore échanger. J’adore enrichir les autres intellectuellement, c’est ma passion. De fait, je donne mon avis, à tout le monde, tout le temps, parce que je suis une personne dynamique et ouverte d’esprit. La preuve : j’ai un avis sur tout, c’est fou! Mais au fond c’est normal, je suis très cultivée. En Art, notamment, je suis hyper calée. Saviez-vous que Rom Lichtenstaël, le peintre, était du même signe que Debusso, le compositeur ? Mais ils ne se connaissaient pas, car ils n’habitaient pas la même ville, et pourtant, détail troublant, ils avaient la même femme de ménage.
L’Art, L’Art, l’Art, ça me transcende, je suis tellement sensible… Hyper… Une oeuvre, un auteur, une auteure, une autrice, un artiste, une artiste, je commence d’abord par le renifler, je suis dans une réaction très animale, sensuelle, proche de la chair. J’entre dans le temple du symbole, la matrice humide de la création, je caresse, je m’imprègne, j’étreins.
Je suis certainement artiste moi-même car je crée sans cesse : des ambiances… Des saveurs étonnantes…
Je détourne le quotidien. Je détourne le quotidien ça s’appelle : Espérances.
Ma relation à l’Art ? Ma relation à l’Art m’épanouit énormément.
Monologue performé dans (c)rêve! et dans divers vernissages.
Poème étrusque (Etruscan poesia)
Un chant souterrain résonne dans nos veines Enlacez-vous ! Intrecciate-vi !
Une caresse minérale sans âge nous réveille d’un même élan
A timeless mineral caress wakes us with a shared impulse
La sua dolcezza infinita susurra
Eat of the light.
Sa douceur infinie murmure
Nourrissez-vous de lumière.
Poème écrit lors de ma résidence à La Lupà, à Castel Giorgio en Italie, puis paru dans la revue Rien de précis n°1 en 2024.
Pour sauver la planète en volant
Burn-out, dépression, souffrance au travail, l’angoisse de l’humanité grandit chaque jour un peu plus. Le gavage médicamenteux, s’il enrichit les laboratoires et instaure une paix sociale toute relative, n’est pas une solution pérenne. De nombreuses études montrent que les gavés, apathiques, n’ont plus la force de consommer et finissent par développer des cancers, aux frais de la sécurité sociale déjà moribonde. Quant à la lobotomie, malgré son moindre coût et des résultats satisfaisants chez les plus de 80 ans, elle s’avère plus que décevante dans tous les autres cas.
Qu’attendons-nous pour réintroduire le bien-être dans notre société en offrant à l’humain ce dont il rêve depuis l’aube de son existence : le pouvoir de voler.
Des chercheurs américains indépendants basés au Honduras, ont démontré que nous sommes maintenant capables de coupler notre ADN avec celui des oiseaux. En adaptant notre alimentation, réduite de moitié, nous serions capables de nous soulever et de voler de nos propres ailes. Il n’existe pas de sensation plus apaisante que celle de planer dans le vent, contemplant le monde de haut. Avez-vous déjà entendu parler d’une mouette faisant une dépression ? Non, évidemment.
Cette nouvelle faculté nous permettrait d’abaisser le nombre de voiture de 70 %, voire à terme de supprimer les avions, réduisant ainsi nos émissions de gaz à effets de serre à peau de chagrin. En divisant par deux nos besoins alimentaires nous éradiquerions le problème de l’agriculture intensive et la pollution mortifère qui en découle.
J’adresse de toute urgence cette pétition à mesdames et messieurs les ministres de la Santé, de la Recherche de l’Innovation et des Sciences, et de la transition écologique et solidaire pour que tous les moyens soient mis en œuvre afin d’accélérer l’avènement de ce projet révolutionnaire et qu’il profite à tous. Citoyennes, citoyens, pour anéantir la dépression et sauver notre planète, signez et partagez cette pétition en masse. Notre futur sera audacieux ou ne sera pas !
Pétition surréaliste appartenant à la performance (C)rêve !
Tawfiq et les 4000 peupliers
J’ai bien connu la cité des 4000, ou plutôt des 4000 logements comme on disait à l’époque, à la Courneuve, dans le 93, ou en Seine Saint Denis, depuis qu’une célébrité nommée Denis y a été canonisée. C’était à l’époque où les inégalités faisaient rage, quand il était encore impensable qu’une bergère illettrée devienne DRH. C’est derrière nous, tout ça.
Aujourd’hui, si elle travaille bien à l’école, Malika, appelons-la Malika, fille et petite-fille de berger, donc génétiquement quasi-bergère elle-même, pourra naturellement devenir DRH. C’est-à-dire un genre de bergère des âmes laborieuses, avec des vacances.
Elle commencera par être caissière. Elle travaillera en bas de chez elle, dans la cité des 4000, par exemple, à l’angle de la tour Debussy et de l’avenue de la Liberté, ou bien s’initiera à la puériculture, dans la tour Ravel un peu plus loin. Mais peut-être qu’elle deviendra plutôt rappeuse, après tout, je ne connais pas Malika qui s’appelle d’ailleurs comme ça par hasard, elle pourrait aussi bien s’appeler Stéphanie, ou à quelques années près, Jennifer.
Pour être totalement honnête, je ne connais pas non plus la cité des 4000 logements à la Courneuve. Je sais seulement que le chantier a duré dix ans, que la mairie de Paris y a ensuite logé une grande partie de sa population récemment importée d’Afrique du Nord, avec qui elle souhaitait prendre du recul et en bref, passer à autre chose. The place not to be, la porte à côté où l’on ne va jamais, voilà un décor intéressant pour un récit-vérité émouvant.
J’ai menti pour créer du lien, c’est l’intention qui compte, et puis moi aussi j’ai grandi dans une barre d’immeuble, comme Malika Jennifer et Stéphanie. Mais au lieu d’avoir 26 étages comme la tour Leclerc ou 15 ou 16 comme les tours Balzac et Mozart, elle en avait 4. Elle s’étalait sur 5 numéros, entre la route et les peupliers. C’était à Fresnes, en banlieue sud dans un quartier appelé La Peupleraie, construit après la seconde guerre par Les castors, un collectif de bâtisseurs, pour la plupart ouvriers, qui construisaient sur leur temps libre, des maisons qu’ils n’auraient pas pu s’acheter s’ils ne les avaient pas eux-mêmes fabriquées. Mon grand-père en faisait partie, lui aussi avait grandi en Afrique du Nord.
Lorsque Tawfiq Ouannes a été tué d’un coup de fusil, le soir du 9 juillet, parce qu’il faisait éclater des pétards, deux jours avant la fin du ramadan, dans la cité des 4000, en banlieue nord, il avait presque dix ans. Moi j’en avais six, j’habitais à la Peupleraie en banlieue sud et je ne savais pas que Toufik existait.
À quel étage habitait le meurtrier ? J’ai visité un jour un appartement au 18eme étage, je ne pouvais pas regarder par la fenêtre, j’avais le vertige, mais j’ai eu le temps de voir que les humains, en bas, étaient des points. Est-ce qu’habiter trop haut annihile toute empathie, exacerbe les caisses de résonnances ? Est-ce que l’altitude fait perdre les pédales ? Est-ce ce qui a été plaidé au procès ?
42 ans après les faits, cette question me taraudait car la peine de trois ans ferme pour un homicide semblait défier l’apesanteur. En grattant la toile j’ai trouvé cette nouvelle information : « le meurtrier René Aigueperse a utilisé une arme en vente libre (..) une carabine à air comprimé projetant des petits plombs de type Jumbo 11 », « une carabine de marque chinoise achetée à La redoute ».
Dans mon quartier de la Peupleraie construit par les Castors, je vais à l’école primaire Louis Pasteur. L’année de la mort de Tawfiq, j’apprends à lire avec Madame Mangiapan, une institutrice d’âge approximatif (entre 40 et 150 ans) qui alterne avec simplicité sadisme et espièglerie. Elle nous parle de l’Algérie où elle a vécu et nous apprend qu’elle est pied-noir (ça veut dire que tu vivais en Algérie en étant Français ou Française et puis que tu es revenu.e vivre en France). Son bureau est posé sur une estrade et à ses pieds, la table de Khalid, un enfant qui a vécu en Algérie, où il est né, de parents Algériens. Mais Madame Mangiapan ne se laisse pas attendrir, ou bien ce point commun la rend-elle plus exigeante ? Quand Khalid ne remplit pas les consignes de manière satisfaisante, elle lui tape sur la tête avec une baguette en bambou. Étant donné la fréquence de cette pédagogie matérialiste, j’en déduis alors que l’effet doit être équivalent à une tape sur l’épaule, l’équivalent d’un tic nerveux, ou d’une allergie à la poussière du tableau, qui la ferait éternuer sans arrêt. On est à deux doigts de lui dire à vos souhaits.
L’homme au bout de la carabine était-il raciste ? Était-il assez près pour identifier le phénotype de l’enfant ? En 1983, le crime raciste n’a pas encore d’existence légale. On accuse les grands ensembles, la chaleur, le bruit.
Un jour, elle me convoque au tableau et je n’arrive pas à lire « dentiste ». Probablement angoissée par mon silence, elle me tape sur la tête avec sa baguette. Ça fait hyper mal. Je n’en reviens pas, je viens juste de découvrir que Madame Mangiapan passe son temps à maltraiter Khalid, elle est d’ailleurs payée pour ça. Je la regarde, choquée, elle me frappe une seconde fois, je dis aïe, elle dit que ça ne fait pas mal, comme font les dentistes. Je déchiffre son putain de mot et je retourne m’asseoir.
Qui est complice, en creux, de la mort de Tawfiq ? Les architectes qui empilent les gens sur 26, 15 ou 16 étages, conjurant la promiscuité par un rapprochement physique de l’Olympe ?
Le racisme assimilé, la psychose isolée de l’altitude ? L’absence de peupliers ?
À la Peupleraie, aucun enfant à ma connaissance, n’est mort assassiné par un voisin ou une voisine. Mais j’ai appris plus tard, après l’enfance, que des pédophiles s’y promenaient, flânant parmi les peupliers. Une amie s’était faite coincer dans une cave et était parvenue à s’échapper, elle avait dix ans. Encore plus tard, bien après qu’une politique de rénovation ait fait sauter Renoir, Ravel, Présov, petit Balzac, puis Balzac dans la cité des 4000 logements (combien en restaient-ils ?), ma mère, vivant toujours à la Peupleraie, s’est mise à fréquenter les CMP, dits Centres Médicaux Psychologiques. Elle y rencontre tous les personnages de mon enfance restés sur place. La mère de L va mieux, malgré sa maladie qui lui fait trembler les mains et l’empêche de boire son café, elle fait parfois un puzzle au CMP, elle est très gentille, Y, autrefois martyrisé par ses camarades de classe, fait semblant de ne pas la voir. Elle égrène des listes de personnes obscures en les situant dans l’espace, escalier B, galerie jaune, bvd Pasteur, 61, escalier bleu, rue du Dr Émile Roux.
Le bruit des peupliers, leurs feuilles qui bruissent, dans le vent, se frottant les unes contre les autres est moins assourdissant. Je me demande s’il reste des saules pleureurs, s’ils laissent encore traîner à terre leurs larmes de verdure. Je me demande si d’autres enfants se glissent à l’intérieur de leur tristesse réconfortante, pour creuser dans le sable.
